Le droit moral est la première prérogative reconnue à l'auteur d'une oeuvre par le droit de la propriété intellectuelle.
  • La composition du droit moral.

Le droit moral se compose de quatre attributs qui constituent autant de prérogatives accordées à l’auteur :

Tout d’abord le premier attribut est le droit de divulgation. Celui-ci confère à l’auteur, la liberté de décider seul du moment auquel il révélera son oeuvre au public. Avant cette communication l’oeuvre est un bien hors commerce. Cette prérogative de l’auteur s’accompagne d’un droit d’opposition. C'est-à-dire qu’il décide seul du bien-fondé de la communication, il peut à son gré s’y opposer. Le choix des conditions matérielles de l’exploitation appartiennent donc de plein droit à l’auteur.

Le second attribut est ensuite le droit au respect de son nom et de sa qualité. À ce titre, l’auteur peut faire figurer l’un et l’autre sur son oeuvre ou les documents qui en assurent la publicité. Ce droit d’attribution se double d’un droit d’opposition qui permet à l’auteur d’interdire à un tiers d’apposer son nom sur son oeuvre.

Le troisième attribut du droit moral est le droit au respect de l’œuvre. Par ce droit, l’auteur peut revendiquer l’intégrité de son oeuvre, ce qui l’autorise à s’opposer à toute personne qui prétendrait y apporter des corrections ou modifications, qu’il s’agisse de tiers, d’utilisateurs de l’oeuvre ou de cessionnaires des droits. Une attention particulière doit être portée au cas où survient un conflit entre le propriétaire du support matériel de l’œuvre, et l’auteur de celle-ci. Prenons un exemple : en tant que propriétaire, l’acquéreur d’un tableau devrait pouvoir en disposer librement, mais s’il souhaite le dénaturer ou le détruire, cela constitue une atteinte aux droits de l’oeuvre. Dès lors deux droits s’affrontent. Dans cette situation, le principe veut que le droit moral l’emporte sur le droit de propriété.

Enfin le droit moral est composé d’un quatrième attribut, le droit de retrait et de repentir. La loi reconnaît à l’auteur le droit de faire valoir ses doutes ou ses scrupules quant à la divulgation de son oeuvre au public. L’article L. 121-4 du Code de la propriété intellectuelle indique clairement que : « nonobstant la cession de son droit d’exploitation, l’auteur, même postérieurement à la publication de son oeuvre, jouit d’un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire ». Il est ainsi permis à l’auteur de revenir sur son engagement et de mettre fin à un contrat de droits d’exploitation sur son oeuvre, même régulièrement conclu, afin de récupérer celle-ci, soit pour la soustraire à l’exploitation (retrait), soit pour la modifier (repentir). Ce droit est une garantie exceptionnelle pour l’auteur, mais son application est susceptible de devenir très coûteuse. On remarquera qu’il s’agit là d’une particularité française, qui semble t-il dépasse l’entendement du droit anglo-saxon.
  • Les caractères du droit moral.

Les caractères du droit moral reconnus par la jurisprudence sont au nombre de cinq :

D’une part il s’agit d’un droit perpétuel. C'est-à-dire que le droit moral survit à l’auteur et subsiste après l’expiration des droits patrimoniaux. Il est indéfiniment transmissible aux héritiers de l’auteur. Ainsi le droit moral continue de pouvoir être exercé sur une oeuvre après que celle-ci soit tombée dans le domaine public.

D’autre part il s’agit d’un droit inaliénable qui ne peut donc faire l’objet d’aucune cession. L’auteur ne peut transmettre ce droit entre vifs, ni y renoncer irrémédiablement. Aussi les clauses de transfert ou de cession du droit moral, ou encore les clauses de renonciation sont nulles. En l’occurrence le cessionnaire du droit moral n’est pas titulaire du droit moral.

Ensuite, le droit moral est un droit imprescriptible. Il s’en suit que le droit moral ne se perd pas par le non-usage. L’auteur ou ses ayants droit sont donc toujours fondés à agir au cas où il lui serait porté atteinte, quel que soit le délai écoulé depuis la création ou la cession des droits patrimoniaux.

Le droit moral est également un droit insaisissable. À défaut du consentement de l’auteur, aucune œuvre ne peut être commercialisée ni saisie. Seule la décision du créateur de communication au public ou de divulgation lève cet interdit.

Enfin, en dernier lieu, le droit moral est un droit d’ordre public. Depuis la célèbre affaire1 de la colorisation d’un film de John Huston , « Asphalt Jungle », la Cour de cassation a établi que les règles du droit moral sont des lois d’application impérative. Elle a considéré qu’en refusant « aux héritiers d’un réalisateur américain la possibilité de s’opposer à la version colorisée d’un film au motif que la loi américaine sur les contrats passés conclus entre le producteur et les réalisateurs dénient à ces derniers la qualité d’auteurs », la Cour d’appel violait l’article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle aux termes duquel « l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. [...]».


1 Voir Civ. 1ère, 28 mai 1991 : Bull. civ. I, n° 172 – D. 1993. 197, note Raynard.





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