♠ Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 18 octobre 2006.

N° de pourvoi : 04-48025
Rejet


En octobre 2000, une société informatique avait engagé un attaché technico-commercial sous contrat à durée déterminé de six mois poursuivi en contrat à durée indéterminé.

En février 2002, il était mis fin aux relations contractuelles liant cette société à son salarié par le licenciement pour faute grave de celui-ci.

La société lui reprochait notamment d'avoir crypté son poste informatique de travail empêchant de ce fait la libre consultation de ses dossiers commerciaux en son absence.

Afin de contester son licenciement, le salarié critiquait le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par son employeur.

Ces contestations étaient rejetées par la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 21 octobre 2004.

Après avoir constaté que le salarié avait procédé sans autorisation de son employeur au cryptage de son poste informatique de travail, les magistrats avaient estimé : « que le comportement du salarié, qui avait déjà fait l’objet d’une mise en garde au sujet des manipulations sur son ordinateur, rendait impossible le maintien des relations contractuelles pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ».

Dans son arrêt du 18 octobre 2006, la Cour de cassation confirme cette décision de la Cour d'appel de Rennes et justifie ce choix par un attendu de principe :

« Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y’avoir accès hors sa présence ».

En conséquence, les dossiers et fichiers créés par un salarié étant présumés avoir un caractère professionnel, il est défendu à celui-ci, en l'absence d'autorisation de son employeur, de procéder au cryptage de son poste informatique de travail pour en restreindre l'accès.

Faute de quoi le salarié s'expose à un licenciement pour faute grave.

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Dans un précédent arrêt du 17 mai 2005, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la possibilité pour l'employeur d’accéder aux fichiers informatiques enregistrés sur le poste de travail mis à disposition de son salarié.

Les magistrats de la Haute juridiction avaient alors estimé :

« Sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ».

Au delà, ces deux arrêts de la Chambre sociale du 17 mai 2005 et du 18 octobre 2006 illustrent les difficultés tenant au juste équilibre entre protection de la vie privée et protection des intérêts de l’entreprise.

Cet équilibre avait déjà fait l'objet d'une précédente décision rendue par la Cour de cassation dans un très célèbre arrêt de la Chambre sociale du 2 octobre 2001 : l’arrêt « Nikon », au terme duquel les magistrats avaient reconnu au salarié un droit au respect de la vie privée pendant son temps et sur son lieu de travail dans un attendu de principe très important :

« Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ».

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Sur la base de ces règles de fonctionnement établies par la jurisprudence, un salarié peut désormais exiger de son employeur que celui-ci respecte la protection de l’intimité de sa vie privée sur l'outil informatique mis à sa disposition pour son travail.

À charge toutefois pour le salarié d’indiquer clairement et préalablement quels sont les fichiers et les emails enregistrés sur son poste informatique auxquels il entend conférer cette protection.

Il s’agira par exemple pour le salarié d’intituler un dossier « dossier personnel » ou de préciser dans l’objet d’un email « message personnel ».


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