♠ Arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 28 février 2006.

N° de pourvoi : 05-15824
Cassation


Après avoir fait l'acquisition du DVD "Mulholland Drive" un consommateur avait souhaité réaliser une copie du film sur cassette vidéo afin de le visionner sur le magnétoscope de ses parents. Mais en raison de la présence de mesures techniques de protection insérées sur le support DVD la copie n'avait pu être réalisée.

Estimant qu'une atteinte avait été portée au droit de copie privée reconnu à l'usager par les articles L. 122-5 et L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'acquéreur et l'Union fédérale des consommateurs UFC Que Choisir avaient assigné les sociétés de production, d'édition et de diffusion du film afin d'obtenir l'interdiction de l'utilisation de mesures techniques de protection et l'arrêt de la commercialisation des DVD ainsi protégés.

L'acquéreur demandait le paiement d'une somme de 150 euros en réparation de son préjudice et l'Union fédérale des consommateurs UFC Que Choisir une somme de 30 000 euros en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs.

Dans un arrêt du 22 avril 2005, la Cour d'appel de Paris avait accueilli favorablement ces demandes et interdisait aux sociétés défenderesses l'utilisation d'une mesure technique de protection visant à empêcher la copie du DVD "Mulholland Drive".

Après avoir relevé que « la copie privée ne constituait qu'une exception légale aux droits d'auteur et non un droit reconnu de manière absolue à l'usager » la Cour d'appel avait retenu qu'aucune disposition de la législation française ne permettait de limiter l'exception de copie privée et qu'en l'absence de dévoiement répréhensible « une copie à usage privé n'[était] pas de nature à porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, sous forme de DVD, laquelle génère des revenus nécessaires à l'amortissement des coûts de production ».

Mais dans son arrêt du 28 février 2006, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond.

La haute juridiction retient que « l'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, propre à faire écarter l'exception de copie privée s'apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d'auteur et de l'importance économique que l'exploitation de l'oeuvre, sous forme de DVD, représente pour l'amortissement des coûts de production cinématographique ».

Les magistrats justifient ce choix à raison des engagements internationaux pris par la France. C'est au regard des dispositions de la directive européenne n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information et de l'article 9.2 de la Convention de Berne que doivent s'interpréter les articles L. 122-5 et L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle.

L'article 5.5 de la directive du 22 mai 2001 reprend le "test en trois étapes" créé par l'article 9.2 de la Convention de Berne. De sorte que la reproduction des oeuvres littéraires et artistiques protégées par le droit d'auteur n'est autorisée que si elle remplit trois conditions :
  • une reproduction que dans des cas spéciaux ;
  • qui ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ;
  • ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation considère que la seconde condition relative à l'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre s'apprécie en tenant compte des risques inhérents au nouvel environnement numérique et de l'importance économique que représente l'exploitation du film sous forme de DVD pour amortir les coûts de production.

Les magistrats écartent ainsi l'exception de copie privée invoquée par le consommateur.

Celle-ci ne peut faire obstacle à l'utilisation de mesures techniques de protection visant à empêcher la copie susceptible de porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre sous forme de DVD laquelle contribue à l'amortissement des coûts de production cinématographique.


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